Inspirés aussi bien par les textes bibliques que par le cannabis, les cinglés de Sleep décident un jour d'enregistrer un morceau fleuve au titre excplicite: Dopesmoker, fruit de leurs élucubrations de fumeurs invétérés.
Earache ayant refusé de reconduire leur contrat ils signent chez London Recordings, mais la maquette de l'album ne sera pas du tout au goût de ces derniers, qui taxent évidement nos californiens de drogués doublés de blapshémateurs (deux des musiciens sont pourtant chrétiens, mais il est sur qu'ils ne correspondent par aux normes du vatican). Le groupe procède donc à un remaniement du morceau, l'écourte de plusieurs minutes et retravaille les paroles, mais c'est peine perdue: le label refuse toujours de publier leur méfait.
Suite à ces difficultés et à des divergenses musicales, le guitariste Matt Pike quitte la formation et décide de créer son propre groupe, High On Fire. Ce n'est que quelques années plus tard que Rise Above (label de Lee Dorian) sortira l'album sous le titre de "Jerusalem", version écourtée de "Dopesmoker" et décomposée en 6 morceaux. Il faudra attendre 2003 pour enfin voir l'oeuvre de ces précurseurs du stoner/doom enfin publiée dans son intégralité.
Passons maintenant à la musique en elle même: autant vous dire de suite que soit on adore et on en redemande, soit on accroche pas du tout. L'influence de Blask Sabbath se fait fortement ressentir, mais poussée à l'extrème. Tout au long des 63 minutes, un riff pachydermique et basique jaillit des enceintes, muant peu à peu dans de subtiles variations à peine perceptibles, telle les volutes s'échapant lentement du bang. De temps en temps un solo ou une phrase sans queue ni tête transperse le rideau de brume pour se faire entendre, mais le bloc monolithique de la guitare reste prépondérant. La basse est assez souvent à l'oeuvre, alourdissant d'autant plus le son, et la batterie bat le rythme plus qu'elle ne joue, avec un fort usage des cymbales pour remplir le spectre sonore tellement les coups de grosse caisse et de snares sont espacés.
Ici point de structure rigide couplet/refrain, tout se passe comme si à l'image de la fumée qui dessine des formes aléatoires au gré du vent, la musique entraîne l'auditeur qui se laisse porter par les fluctuations sonores et le prêche illuminé du prophète Al Cisneros. L'esprit vagabonde dans un désert où le soleil tape dur, assomant et étourdissant l'inconscient qui a osé s'y aventurer à la suite de la caravane de la sainte herbe.
Ceux qui ont réussi à survivre à l'éprouvante traversée des dunes de sable (63 minutes quand même...) pourront apprécier le titre bonus "Sonic Titan", toujours imprégné de l'influence de Toni Iommi, fort sympathique mais ne faisant bien sur pas le poids face au morceau précédant.
Avec cet album Sleep invite donc tous les illuminés à l'esprit embrumé à les suivre dans le désert, dans un voyage mystique, quasiment chamanique et où se mèlent christianisme et apologie de l'abus de psychotropes...
"Drop out of Life with Bong in Hand
Follow the Smoke toward the Riff filled Land
Proceeds the weedian, Nazareth"
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