Cette histoire commence en 1999. Fraîchement débarqué de paysages musicaux plus abordables, je jetais nochalamment une oreille sur le sampler d'un mag contenant le titre "Can't Bee" du dernier album de Moonspell en date, intitulé "The Butterfly Effect". Encore novice quant aux notions stylistiques de "metal gothique" ou "industriel" ou autres, je ne fus guère convaincu à l'époque par la prestation des Portugais, et je ne fus apparemment pas le seul. Car cet album de Moonspell est un OVNI dans leur discographie, et les fans ultras du groupe n'ont pas retrouvé "leur" Moonspell, leur groupe... leur objet? Car le problème est peut être là. Loin des poncifs metal goth' qui constituent le néanmoins excellent "Irreligious" - référence dans la discographie de la bande à Fernando - "The Butterfly Effect" propose une alternative aux clichés et aux facilités inhérentes au style.
Moonspell surprennent leurs fans et le public au sens large, en montrant qu'ils n'appartiennent à personne. Cette volonté de liberté et d'achévement créatif s'incarne tout à fait tout au long des 12 titres que constituent l'album. L'entraînant et presque dansant "Soulsick" commence par un inquiétant chuchotement et est amplifié par l'arrivée d'une rythmique en béton armé, appuyé par une arrière garde de claviers de toute beauté et aidé par une production complétement jubilatoire, écoutez donc ces parties de batterie ! Le rythme est rompu par le mid-tempo et quasiment martial morceau éponyme aux paroles opaques ("Everything is everywhere, the Butterfly Effect") et enragées. Fernando livre une prestation vocale sans faille tout au long de l'album, valsant des mélodies sussurées aux sauvages envolées bestiales comme dans "Lustmord", autre monument de l'album.
Moonspell frappe là où ses fans ne l'attendait pas. Moonspell est libre et constate amusé les ravages occasionés par la problèmatique que représente l'album : "I Am The Eternal Spectator".
Néanmoins l'amusement disparaît aussi vite qu'il était apparu comme nous le rappelle le désespéré "Disappear Here", un morceau doux mais pas mielleux, tout simplement désarmant et criant de vérité quand on se concentre sur les paroles : "You can disappear here without knowing it". Moonspell titille les sens de son public avec les sulfureux voire coquins "Soulitary Vice" ou "Adaptables" aux relents libidineux imparables.
Mais "Tired" et "Angelizer" remettent les pendules à l'heure, si on peut dire. Dans la lignée expérimentale de l'album, les samples du Requiem de Mozart sur "Tired" rassurent le fan, impatient de retrouver son Moonspell. Illusion. Le morceau, sinueux, pervers, serpente dans l'imaginaire de l'auditeur, à des années lumières du Metal Gothique Pour Les Nuls. Encore une fois des paroles opaques, qui ne livrent leurs secrets qu'au prix d'un abandon total à l'atmosphère du morceau, de l'album, du concept.
L'histoire se termine en 2005, lorsque je me suis enfin procuré ce bijou aux multiples facettes. Je me suis réconcilié avec le planant "Can't Bee" et comme Moonspell, je m'amuse désormais de mon aveuglement qui avait crucifié cet album sans même avoir pris un minimum de temps et d'investissement personnel pour tenter de percer les mystères de cet Effet Papillon.
Définitivement un must-have, tous styles confondus, et donc nécessaire à toute discographie un tant soit peu intelligente
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