"Cellblock" ou comment aller en prison sans passer par la case tribunal. Vous vous êtes toujours demandé ce que pouvaient ressentir les individus incarcérés mais la perspective de passer des années à l'ombre ne vous enchante guère? Vous n'êtes pas fan du ramassage de savonnette et l'amitié virile un peu trop "profonde" vous rebute? Remerciez CMI grâce à qui vous pourez profiter d'une expérience carcérale sans subir de dommage collatéral.
Ce label excèle pour nous dégoter des formations toujours plus torturées les unes que les autres et celle-ci ne déroge pas à la règle. Projet solo de Simon Heat (un des deux membres de Za Frumi), Atrium Carceri joue sur un tout autre terrain et explore avec ce premier opus les thèmes de la solitude et de la réclusion. Fermez les volets, baissez l'halogène au minimum, montez le son et pénétrez dans le monde opressant mis en place par le suédois, pour un huis clos des plus éprouvants. Rien ne vous sera épargné au cours de votre immersion musicale et la shizophrénie vous guette à chaque recoin de cette prison sonore. Pour la petite anecdote on notera d'ailleurs que la pochette est l'oeuvre de Martin Pels, qui est à l'origine des différentes illustrations du dernier Raison d'Etre: Requiem For Abandoned Souls. Il faut croire que les lieux déserts et pas franchement rassurants ça le connaît...
Musicalement parlant, l'utilisation de bruitages industriels colle parfaitement à l'ambiance carcérale et j'ai rarement vue une telle maîtrise du propos, tant la palette d'instruments employés entretient une tension permanente qui s'infiltre vicieusement en vous. Nappes sourdes et grondantes, percussions métalliques tour à tour étouffées ou stridantes, portes grillagées qui grincent lentement, eau qui goutte du plafond suintant des cellules, bruits de pas des matons qui résonnent dans les couloirs, voix chuchotées ou cris des codétenus, révolvers manipulés par des mains invisibles: on peut dire que "Cellblock" ne fait pas les choses à moitié et aura imanquablement raison de vous.
Quelle est cette étrange machinerie dont le grondement sourd filtre à travers les murs? Avez-vous vraiment entendu la porte d'à côté s'ouvrir ou est-ce le fruit de votre imagination? Qu'est-il arrivé à l'occupant de la pière en question? Cette voix qu'on devine au loin, l'avez-vous vraiment entendu? Quels sont ces pas qu'on distingue? Ceux des gardiens venus vous chercher pour vous conduire à la chaise électrique? Ou alors vont-ils se charger eux même de vous liquider avec les pistolets que vous les avez entendu recharger? L'impression d'être enfermé dans une cellule obscure est saisissante, la folie vous gagne peu à peu au gré des fluctuations de cette musique si cérébrale, et votre imagination développera des scénarios toujours plus paranoïaques au fur et à mesure que la terreur insidueuse érodera votre résistance.
Pour son premier essai Simon Heat frappe fort avec cet album, et les masochistes qui s'adonneront au plaisir douteux de son écoute sont sûrs de ne pas en revenir indemne.
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