Après un premier album "Dark Metal" sorti chez Adipocere en 1994, c'est chez Red Stream que les teutons nous livrent leur deuxième réalisation, et on peut dire que l'essai est largement transformé. Officiant dans une veine hybride de doom et de black, Bethlehem qualifie sa musique de "dark metal" (d'où le titre de la première galette), et a clairement influencé des groupes comme Silencer.
Il se dégage de cette musique une telle aura de mort et de folie malsaine qu'elle aura sûrement raison de votre santé mentale en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. La 1e piste "Schatten Aus Der Alexander Welt" est à ce titre une bonne illustration de la touche Bethlehem: hurlements déchainés sur fonds de guitares rapides et grésillantes soutenus par de la double. Les autres morceaux sont dans la même veine, soufflant le chaud et le froid. Alternent passages black ou doom à la guitare électrique et parties plus atmosphériques avec basse, guitare claire et samples, pour un condensé de 3/4 d'heures de musique propice à rendre cinglé n'importe quel sain d'esprit.
La production est elle aussi bien ficelée: le son des guitares est puissant, clair, et aucunement brouillon. La basse quand à elle s'entend parfaitement et fait ressentir tout son poids dans la lourdeur de la musique. Côté batterie, le mixage lui laisse suffisament de place pour s'exprimer sans empiéter sur les autres instruments, les kicks sont jouissivement sourds et les snares claquent comme une baffe en plein visage.
Le chant cependant est sans conteste le fer de lance de l'album, tant il respire la shyzophrénie malsaine. Remplaçant le vocaliste d'origine (qui s'est d'ailleurs suicidé après son éviction du groupe), Rainer Landfermann, en véritable psychopate, hurle, grogne, gémit et ércute de sa voix désespérée et écorchée. Les lyrics sont rédigés dans la langue de Goethe par le bassiste Jürgen Bartsch, et l'effet produit est réellement saissant d'intensité. Je ne parle pas un traître mot d'allemand mais je pense que les morceaux n'auraient pas le même impact avec un chant en anglais.
Rien d'étonnant d'ailleurs à ce que la musique de Bethlehem pue à ce point la mort, tant cette dernière s'est faite remarquer dans la vie de Bartsch et Matton, les deux songwriters du groupe. Jugez plutôt: le père de Matton s'est pendu, sa mère est décédée d'un cancer, et la petite amie de Bartsch s'est aussi suicidée, sans oublier tous ses amis morts d'overdose. On peut dire que contrairement à beaucoup, les deux comparses avaient là matière à inspiration pour l'écriture de leurs morceaux, et le résultat est dévastateur.
Il est quand même plaisant de voir qu'un groupe qui a eu tant de difficultés à s'exprimer librement a persisté pour nous offrir ce qui restera sans doute le chef d'oeuvre de leur carrière. En effet en dépit de la censure des lyrics, des interdictions de concerts en Allemagne, des accusations d'incitation au satanisme de la part de parents de jeunes fans, et même de descentes de police, Bethlehem a tenu bon, et ceci pour notre plus grand plaisir. J'accroche moins bien au reste de leur discographie à cause de leurs expérimentations toujours plus poussées (même si S.U.I.Z.I.D est sympathique), et à mes yeux il sera difficile d'égaler un tel coup de maître.
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